Les donateurs de demain
Les comportements des donateurs hier et aujourd'hui. Quels seront-ils demain ?
Don social
Certains Fundraisers estiment que seul le marketing direct peut augmenter le nombre de donateurs. Pour ma part, et ce depuis plus de 15 ans, je crois que le donateur ne se créé pas mais se rencontre. Les techniques de communication sont des outils au service des autres et non au service du résultat.
Plus encore, je crois qu'une campagne de collecte de fonds privés est davantage une réponse à un besoin qu'un appel à la générosité.
a- Le cœur et la rigueur :
Je crois que la collecte de fonds n'est pas une science mais un art de créer des relations pour le bien commun. Les mailings tests et les réunions de « consommateurs » nous permettent d'atteindre de bons scores parce que nous comprenons leurs attentes.
Pour aller encore plus loin, les bon scores, les bons
ROI ou
RFM ou
LTV ne seront que les conséquences d'une bonne compréhension de la personne (donateur ou bénévole) qui devient l'ami de l'ONG. La maîtrise technique du Marketing Direct ne suffit pas à elle seule.
Un des principes marketing que j'adopte dans la collecte de donateurs est celui de considérer ce consommateur comme un acteur social et non comme un acheteur de produit marchand. Dans cet esprit, nos techniques de Fundraising à Medair s'adaptent à leurs attentes sociales et ne consiste pas uniquement à inventer des déclencheurs ou « gimmick » à inclure dans nos mailings pour augmenter des scores. Associer le cœur et la rigueur n'est pas simple, mais apporte bien des satisfactions.
Ce type d'analyse est basé sur mes convictions personnelles et mes expériences de Fundraiser, et bien évidemment vous pouvez ne pas adhérer à cette vision des choses.
b- Les 3 familles de donateurs :
Dans cet esprit, je voudrais vous présenter 3 groupes de comportements principaux et de générations de donateurs, en écho à leur vécu social.
Au préalable, nous savons que les donateurs sont majoritairement des femmes, souvent âgées de 65 ans et + avec une culture morale affirmée (humaniste ou religieuse), et cela quel que soient les pays donateurs dans le monde. Ainsi, nous avons:
Avant-hier :
1. Le donateur «vétéran» : une vie sociale dure, expérimentée et morale.
- Age : 65 ans entre 1980 et 1990.
- Vécu : Les année 30 et les Congés payés / 39-45 : la 2ème guerre mondiale / les usines à la chaîne…
- Comportement : « il est important et bien d'aider son prochain ».
- Attitude face aux appels aux don : Donner pour stopper les drames.
- Les ONG : Naissance importantes des urgentistes et des « French doctors ». Les dons arrivent en masse sans trop d'effort.
Hier :
2. Le donateur « héritier » :
- Age : 65 ans entre 1990 et 2000. Poursuite d'une vie sociale traditionnelle et morale des parents dans une économie abondante.
- Vécu : 1953 : le Rock & Roll / 1945-1973 : les 30 glorieuses / 1969 : premier pas sur la Lune / 1973 : 1er choc pétrolier…
- Comportement : « je donne par morale. Je fais ma
B.A ».
- Attitude face aux appels aux dons : C'est les grands qui donnent aux petits, les dons des blancs aux petits noirs.
- Les ONG : Professionnalisation sur le terrain et multiplication des mailings. Concurrence du don entre associations. Croissance des ONG Nord-Sud.
Aujourd'hui :
3. Le donateur « contestataire » :
- Age : 65 ans entre 2001 et 2010.
- Vécu : 1953 : le Rock & Roll / 1968 : les contestations sociales
- Comportement : « je donne pour participer en tant que citoyen».
- Attitude face aux appels aux dons : Stop aux scandales ! Soyez professionnels et transparents et sous un contrôle financier indépendant. Je donne mon argent mais aussi mon temps en tant que bénévole professionnel.
- Les ONG : Arrêt du style « babacool-baroudeur ». Professionnalisation des Fundraisers et développement des relations médias et du Trademark. Labellisation par ISO,
ZEWO ,
HAP ...
Et demain ?
Le donateur « citoyen » :
Le 4ème ou ce nouveau type de donateur aura 50-60 ans en 2020. Confronté à la Mondialisation, les OGM, il serra plus conventionnel que ses Parents. De retour aux valeurs (humanistes et spirituelles), le donateur à un regard de bâtisseur et de gestionnaire au grand cœur aimant la relation humaine par-dessous tout. Ce « donateur-bénévole » donnera beaucoup si l'ONG donnera beaucoup, elle aussi.
- Attitude face aux appels aux dons : « Je vous donne si vous le méritez et si mon don fait une différence sur le terrain. Si votre action est réellement utile aux victimes ».
- Les ONG : Manager, gestionnaire ou entrepreneur, les métiers, alors réclamés par le monde marchand, rentreront par nécessité dans les ONG pour leur propre survie et crédibilité. Les organisations non-marchandes ne pourront plus éviter les audits financiers ou de Managements, d'où une augmentation des coûts administratifs.
c. Des comportements liés à l'environnement national et international :
Fait nouveau, et qui ira en croissant, la mondialisation aura des influences directes sur nos campagnes de collectes de fonds et particulièrement dans l'ouverture à donner ou pas des donateurs.
- Nous l'avons constaté à Medair lors de notre appel au don au début de la crise en Iraq : Les ONG d'urgence pressentaient un afflux de réfugiés important à la frontière. Les médias du monde entier suivaient la crise : Un soutien bien utile pour une campagne de dons ! Quelques heures avant la guerre nous avons donc envoyé un mailing en France, en Suisse, en Hollande et en Angleterre à la même date. Le résultat fut instructif ! : Les Anglais n'ont pas donné parce qu'impliqués dans le conflit, les Hollandais ont donnés un peu car ils avaient des doutes sur l'efficacité des ONG face à la coalition, les français ont beaucoup donnés par esprit de contestation au Américains, et les suisses n'ont pas réagis parce qu'ils voulaient savoir comment les choses aller tourner !
- Les donateurs veulent que « leurs ONG » restent indépendantes et nous ONG nous devons résister à l'instrumentalisation politique des auteurs des conflits.
- Les donateurs voudraient savoir si les ONG et leurs actions sont utiles ! Les profits économiques ou les idéologies religieuses sont des motifs de conflits sanglants et répétitifs avec pour premières victimes les enfants et les femmes : Alors, à quoi bon donner ?
- Face aux messages de communications multiples, le choix devient de plus en plus complexe pour un donateur : faut-il aider plus les besoins des gens dans mon pays ou là-bas ?
d. Les valeurs des 2 acteurs :
L'ONG ne pourra plus se contenter de demander. De solliciter un don parce que les gens souffrent ou sont dans le besoin. Elle doit (devra) mériter la confiance du public, qu'elle soit ou pas très connue ! La confiance sera le premier filtre pour la décision du donateur : Cette confiance, c'est le « don de soi », et cela se mérite. Les 2 autres dons suivront alors, le don de temps et le don d'argent. Ces 3 dons deviendrons indissociables demain et le sont déjà aujourd'hui.
Pour conclure, l'ONG n'existe que pour les autres et non pour elle-même : pour le donateur et le bénéficiaire. Ces derniers ont des valeurs qu'ils expriment, les organisations devront y répondre ou mieux communiquer celles quelles ont :
Le donateur attend de l'ONG:
- de l'écoute,
- de participer,
- de la transparence,
- de la qualité,
- de l'efficacité.
Ainsi, l'ONG devra donc très certainement véhiculer ces valeurs :
- Valoriser le marketing relationnel,
- Améliorer l'image (Trademark),
- Crédibiliser l'organisation (ISO, Zewo…),
- Etre et rester professionnel,
- Rester proche et humain.
Eric Jaffrain © Juin 2005